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En attendant de retrouver les rues, fréquentons-nous sur les ondes
Nous habitons des lieux en périphéries de villes où, depuis le confinement, des activités se poursuivent, des rencontres se font et des perspectives s’inventent. Ensemble, en région Nantaise comme ailleurs, à la Zad comme dans les métropoles, préparons le déconfinement des corps et des âmes. Car l’erreur serait de croire que tout changera, après. C’est dans l’interruption elle-même que se dessinent les figures que prendront nos existences après le bouleversement : et pour le moment, le cadre ressemble davantage à celui d’un film d’anticipation dystopique à tendance totalitaire qu’à une sortie de l’économie par la solidarité.
Il y a plusieurs manières de surmonter la sidération pour commencer maintenant à préparer l’après : il y a celles et ceux qui organisent l’entraide à l’échelle d’un quartier ou d’une ville, d’autres qui refusent leurs conditions de travail, d’autres encore qui continuent à diffuser une parole contestataire. En bref, faire de ce temps suspendu le nôtre : nous avons choisi de faire de la radio, pour émettre autre chose que le désir d’un retour à la normale.
Plus que jamais il nous faut mettre en circulation les mots comme les idées, les sons comme les songes ! Faire vibrer les corps et les esprits. L’occupation des ondes ne rouvrira pas les plages et les forêts, mais elle peut entretenir la rage d’une désertion féroce. Chanter le maintien des hostilités, répandre les rythmes qui réanimeront bientôt nos rues et nos fêtes, chasser les bruits de nos peurs.
Plutôt que d’ajouter une voix isolée à la profusion des discours, des images et des chiffres, nous voulons faire de ce studio un outil d’organisation et d’intelligence collective dans un moment où de telles pratique sont proscrites. On y passera de la musique, on y organisera des discussions, on y appellera nos amis à l’étranger, on y lira des textes, on y partagera les témoignages et les bonnes idées de celles et ceux qui s’organisent. Le reste du temps, on y boira du vin et peut-être on fumera des clopes.
Nous dédions cette radio à toux ceux qui n’auront pas le temps de nous écouter, parce qu’ils nous soignent, nous nourrissent, ou parce qu’ils n’ont pas pu exercer leur droit de retrait.
Nous la dédions également à ceux qui n’auront que ça à faire, ou à ceux qui le font déjà.
“Le pouvoir n’est pas seulement là ou se prennent des décisions horribles mais partout où le discours enlève le corps la rage le hurlement le geste de vivre.”
Colletivo A/Traverso (1977). “Alice è il diavolo”