4 - Vendredi 20 mars 2020
À chaque repas, nous mastiquons lentement la nourriture, broyant un à un les petits Covid-19 tenaces, et les brûlant définitivement, après le dessert, avec une gorgée d’alcool à 75 degrés. De jour en jour, les parois de nos estomacs s’acclimatent à ce nouveau traitement, et quand, à l’heure de la sieste, je pose mon oreille sur le ventre tiède d’Elise, je peux entendre le grondement de la guerre ; au moment d’imploser, les petits virus émettent un son strident d’éléphanteau noyé. Il m’arrive de retenir une larme, mais je m’efforce de ne pas céder à l’empathie. Nous savons comme l’ennemi connait bien nos faiblesses.
Le soir, à vingt heures, nous ouvrons en grand notre fenêtre et applaudissons l’armée sanitaire. Une nouvelle vague de peine et de colère me submerge, et, m’emparant d’une fine passoire de cuisine, je capture par grappes les quelques Covid-19 volatiles et les plonge dans une marmite d’eau bouillante. Nous nous endormons au son de la douce agonie des agents infectieux. Au milieu de la nuit, pourtant, j’entends monter des sombres ruelles leur horrible ricanement. Demain encore, il reviendront s’agripper à nos ongles.
La suite sur https://romainmeynier.tumblr.com/…
https://www.cambourakis.com/tout/litterature/francophone/lile-blanche/
Photo : Romain Meynier